mercredi 19 décembre 2012

SEANCE : VERTIGE DE LA LISTE

 
ARMAN, Accumulation de machines à écrire

Cette semaine on se consacre aux listes : on expérimente le plaisir d’énumérer, de classer, d’inventorier, sans hiérarchie, sans verbes, sans liaison. On se lance donc au bonheur de recenser, sans aucun souci de composition du texte car lorsqu’on propose une liste, on ne s’interroge pas sur ce qui précède ni sur ce qui suit. L’exercice des listes peut paraître simple au départ mais comme disait Perec : « rien ne semble plus simple que de dresser une liste, en fait c’est beaucoup plus compliqué que ça n’en a l’air »… La démarche d’aller chercher à travers le langage des images qui sont nichées dans notre caverne mentale induit un travail littéraire évident, mais aussi un enjeu identitaire car la liste constitue une affirmation de soi : établir une liste c’est une manière d’affirmer ses choix, ses goûts, ses points de vue. Et c’est ainsi que peu à peu on commence à entrevoir ce qu’Umberto Eco appelle « le vertige de la liste »…


Liste de portes que je traverse
Porte de ma chambre
Porte des toilettes
Porte de la douche
Porte du salon
Porte d’entrée
Porte de la voiture
Porte du collège (elle est rouillée)
Porte de la salle de cours
Porte de bus
Porte du RER
Porte de chez le dentiste
Porte de chez mon frère
Porte de chez ma sœur
Porte des magasins
Porte du Parc Astérix
Porte du PSG
Porte du musée du Louvre…
Hamza, 3°D, Collège Victor Hugo
 










Liste de mes qualités
Je suis fort
Je suis bon travailleur
Je suis grand
Je suis sportif
J’ai un bon physique
Je suis costaud
Je suis gentil
Je suis agréable
J’ai une belle voix
Je suis fort au foot
Je suis capable de faire tous les sports
J’ai de l’humour
Je sais bien m’habiller
Je me coiffe bien
Je suis généreux
Je suis ouvert d’esprit
J’ai une belle écriture
Je suis quelqu’un d’humble
Roland, 3°3, Collège Théodore Monod

 
 
Liste de tout ce qu’on peut trouver dans une poubelle
Des bouteilles d’eau vides
Des restes d’un repas
Des pots de yogourts vides
Des fruits à moitié mangés
Des papiers de chocolat
Des pâtes
De la sauce
Des assiettes en carton
Des verres cassés
Des nappes usées
Des fleurs fanées
Des ampoules grillées
Des mouchoirs usagés
Des jouets cassés
Des mauvaises notes
Maryne, 3°A, Collège Henri IV


 

Liste de mots que je connais dans une autre langue
Ao / Ichi / Ni / Sanu / Yn / Goki / Yuki / Natsu / Aki / Roku / Nana Sishi / Hachi / Kyu / Juu / Miko / Hime / Oyou / Hayaku / Ichigo / Ringo / Sakura / Haru / Hare / Fuyuki / Tenku / Iro / Shiro / Kuro / Aka / Kurenai / Ao / Kiiro / Midoui / Orenjiro / Pinku / Muraskati / Haüro-Chairo / Itachi / Kame / Imu / Ryu / Kitsume / Kogitsume / Nako / Tora / Usagi / Togake / Tenshi / Jigoku / Ningyo / Uchiwa /
Ame Niouma, 3°D, Collège Victor Hugo



Liste des choses que je trouve tristes
Une maison sans enfant
Quelqu’un qui est inconscient
Mon collège en hiver
Quelqu’un qui se laisse dominer par les autres
Quelqu’un qui ne connait pas sa valeur
La mort d’un proche
Des parents qui se disputent devant leurs enfants
Les SDF
Les malpolis
Quelqu’un qui ne parvient pas à réliser ses rêves
Une personne qui n’aime pas la musique
Bermi, 3°1, Collège Pierre Brossolette


Liste de choses que je trouve inutiles
L’école
Le ménage
Le froid
Les déchets par terre
Les devoirs
Les disputes
Les « one direction »
La guerre
La crise
L’acné
Alexis, 3°3, Collège Théodore Monod


Liste de fenêtres à travers lesquelles je regarde souvent
Fenêtre de ma chambre
Fenêtre de ma cuisine
Fenêtre de mon salon
Fenêtre du bus
Fenêtre de la voiture
Fenêtre du RER
Fenêtre du Métro
Fenêtre du train
Fenêtre d’avion
Fenêtre de bateau
Fenêtre de mon collège
Selin, 3°D, Collège Victor Hugo
 


Liste de mes endroits préférés
Mon bureau car c’est tout petit
Les toilettes car personne ne me dérange
Sur un bateau parce qu’il fait chaud
Dans les bras de ma femme, je m’y sens en sécurité
Chez mes beaux parents, parce que ma belle-mère est belle
Sur ma moto, pour être le héros de ma route
Au collège puisque je retrouve mes affreux élèves
A l’atelier d’écriture, c’est l’endroit où je peux rêver
Dans la voiture en ramenant mon fils car j’ai le privilège de l’avoir pour moi tout seul
Sur mon lit car le chat ronronne
Dans la cuisine où je peux fumer une cigarette en respirant des odeurs enivrantes
Sur le chemin du retour avec ma fille qui rie et me charrie
Sur une plage du sud, seul endroit où l’on peut bronzer entre les orteils
M Nowack, Prof d’EPS, Collège Henri IV




Liste de desserts
Tarte aux pommes. Tarte Tatin. Tiramisu. Gâteau au chocolat. Panacotta. Tarte aux poires. Galette des rois. Glaces. Macarons. Fondant au chocolat. Fraisier. Forêt noire. Mille-feuille. Flan. Crêpes au sucre. Viennoise. Mousse au chocolat. Salade des fruits. Baba au rhum. Paris-Brest. Eclair au chocolat. Eclair au café. Compote. Gâteau à la noix de coco. Donut. Cake. Religieuse. Charlotte. Yogourt. Beignet.
Sofiane, 3°D, Collège Victor Hugo

 

Liste des choses que je ferai un jour
Je passerai mon diplôme d’étude secondaire dans une grande école
Je voyagerai le plus possible pour découvrir de nouvelles cultures
Je prendrai les plus belles photos
Je respirerai l’air au sommet d’une des plus grandes montagnes du monde
Je ferai une mission humanitaire car des gens ont besoin d’aide
Je ferai un grand article de presse
Je rencontrerai des personnes importantes
J’aurai des enfants
J’épaulerai ma famille en cas de besoin. Toujours.
J’aurai une maison à l’étranger
J’irai tous les étés au Portugal pour ne jamais oublier d’où je viens
Celia, 3°1, Collège Pierre Brossolette

 
Liste de médicaments
Novorapid
Lantus
Doliprane 500
Doliprane 1000
Spasfon
Spédifène
Pivalone
Gavi
Sconel
Efferalgan
Esispirien
Smecta
Advil
Diédanine
Paracétamol
Aspirine
Cirtex
Tridisonit
Sicalfate
Biseptille
Voltarène
Alcesol
Du miel…
Anissa, 3°D, Collège Victor Hugo

 

Liste de portes que je traverse
Porte d’entrée du collège
Porte de la salle 212
Porte de la salle 137
Porte de la salle 204
Porte de la salle 108
Porte de la salle 136
Porte de la salle 206
Porte de la salle 210
Porte de la salle 217
Porte de la salle 219
Porte de sortie du collège
Alexandre, 3°3, Collège Théodore Monod

 

Liste des choses qui me font pleurer
Quand on coupe des oignons
Quand il y a des décès
Quand je perds un match
Quand ma mère crie sur moi alors que je n’ai rien fait
Quand je veux quelque chose et qu’on ne me le donne pas
Quand on me fait la morale
Quand j’ai mal au ventre
Quand un père frappe une mère
Quand je n’aime pas ma coiffure, je pleure
Quand je veux une paire de chaussures et qu’il n’y a pas ma taille
Quand ma mère est triste
Quand je me fais mal
Quand ma petite sœur pleure
Quand je quitte ma mère
Priscillia, 3°D, Collège Victor Hugo

 

Liste des bêtises pour lesquelles je me suis fait réprimander
Pour écrire sur mes chaussures
Pour découper mes vêtements
Pour casser un vase
Pour couper mes cheveux
Pour prendre le maquillage à ma mère
Pour couper mon cartable
Pour ramener une mauvaise note
Pour taper mon petit frère
Pour embêter ma grande sœur
Pour ramener trop de copines à la maison
Pour casser mon lit
Pour afficher des posters dans ma chambre
Pour casser un lustre
Pour casser une ampoule
Pour déguiser mon petit frère en fille puis en cochon
Pour m’être battue avec ma cousine
Pour avoir eu «  bavardages » sur mon bulletin
Pour ne pas faire mes devoirs
Pour faire des devoirs trop long
Pour être trop gentille avec des personnes qui ne le méritaient pas
Pour me coucher trop tard
Pour regarder trop la télé
Pour être sur le PC trop longtemps
Pour avoir trop de chaussures
Pour avoir mal parlé à mes parents
Pour répondre aux professeurs
Pour ne pas travailler assez à l’école
Pour me lever trop tôt
Pour ne pas assez dormir
Pour lire trop de mangas
Pour ne pas être comme ma sœur
Pour certaines choses
Pour être trop têtue
Pour manger toute la boîte de Ferrero Rocher
Pour faire la tête pour rien
Pour dire trop de gros mots
Pour embêter mes copines
Pour lever les yeux au ciel
Pour sécher les cours d’EPS en 6ème quand je n’avais que ça l’après-midi
Pour dépenser mon argent en tout et rien
Pour crier pour rien
Pour avoir cassé mon vélo en voulant en faire sans les mains
Pour avoir cassé l’horloge de ma prof d’anglais
Pour ne pas écouter mon beau-père quand il me gronde
Karine, 3°A, Collège Henri IV

 

Liste de mes devoirs
faire l’en-tête du cahier – apprendre – exercice – mettre protège-cahier – attestation d’assurance – apprendre le cours – apprendre – copier – contrôle d’histoire – apprendre définitions – leçon, exercice – faire cartes – apprendre – apprendre refrain – copier + apprendre – apprendre par cœur – exercice – recopier la feuille – apprendre et copier – DM leçon – apprendre – photo – écrire question – lire et signer – contrôle – n° 18 p. 64 – repère spatiaux – apprendre le cours – leçon exercice 60 p. 64 – internet – exercice 1 – copier + apprendre – contrôle sp – contrôle F – exercice – copier 3 fois – faire signer – salle 112 – apprendre leçon – contrôle m – contrôle mu – contrôle SVT – apprendre et copier – finir a – apprendre T – expression écrite – contrôle H – faire 7 et 8 – relire ex – ex 1/211 – terminer – finir le tableau – 1/3/4 leçon – finir feuille – ex et app tableau – app et exercice – interro F – apporter les crayons – faire exercice – DM leçon – terminer fiche – faire exercice – découper patron – finir feuille – apprendre leçon – app leçon – faire feuille – n°3 leçon – contrôle Poids et Masses – exercice – apprendre et copier la leçon – contrôle A – contrôle M – ramener photo – contrôle ESP – livre plus cahier – faire DM – control G – apprendre leçon – faire PPL – faire feuille – interro PH et T – interro F – finir feuille – copier 3 fois – finir e. écrite – DM – finir travail – contrôle MU – contrôle SVT – contrôle F – contrôle M – contrôle ESP – lire page 104 – faire recherche – finir travail – lire – apporter illustration – faire signer – contrôle MU – leçon + exercices 16 et 17 – contrôle M – apprendre leçon – contrôle ESP – finir feuille – ramener photo – contrôle F – leçon – ramener cahier – faire ex. – contrôle A – ramener affaires d’histoire – faire réécriture – contrôle M – ramener argent – app ex – contrôle ESP – copier – ex 1 et 3 – faire synthèse – app – contrôle ESP – calculer A et B – passer à l’oral – apprendre et copier – contrôle F – demander 152 € – contrôle SVT – finir ex. – faire signer – contrôle ESP – chercher truc – leçons p.54 p.79 – contrôle A – ramener carton – contrôle M – faire ex. 4/5/6 – faire exercice – rapporter cahier de géo – finir ex. – faire tableau – faire truc cigarette – faire une grande liste
Steven, 3°3, collège Théodore Monod

 

Liste des choses que je trouve belles
Voir les fleurs de Sakura – cerisier japonais – en éclosion
La Grèce antique
La natation synchronisée
Paris illuminée dans la nuit
Le grand château de Versailles et son Palais des Glaces
Des champs de fleurs
Les reines égyptiennes les jours de grandes fêtes
Les jumeaux fusionnels
Quand la neige recouvre la ville de son manteau blanc
Les pyramides égyptiennes
La gymnastique rythmique
La grande tour de Tokyo
Les contes qui nous font rêver
La Pyramide du Louvre
Les arcs-en-ciel
L’écriture du XVIIIe siècle
Les pierres précieuses qui réfléchissent à la lumière
Un endroit rempli de livres
Niouma, 3°D, Collège Victor Hugo

 

Liste de tous les voisins de ma rue
Le plombier, Mr Corbeil
Sa femme
Leur fils, le médecin
Mme Cadinet, la copine de ma mamie
Mario, le portugais
Sa femme, Amalia
Leurs deux fils, Marc et Jérôme
Ludovic Bena, l’italien
Son amie, Jeanne
Son fils Mathias, le dépanneur
Pierre, le meilleur ami de mon papa
Eléonore, sa copine
Mégane, sa fille
Le chauffeur de taxi
Fatima, la maman d’Abdel
Son père Khaled
Ses 5 sœurs
Valère Dubrac
Sa sœur, Céline
Sa mère, Colette
Son père Philippe
Les jumelles un peu bizarres qui ne parlent pas beaucoup
Les Ramirez
Leurs trois enfants, Loïc, Roxana et Elona
Mme Pavlovska, la polonaise qu’on ne veut pas croiser quand on sort, sinon elle nous parle pendant des heures
François, le mécanicien
Sa femme Sara
Leurs deux filles, Mégane et Mélissane
Mme Ribetti, la vieille dame toujours en train de jardinier
Mme Cression, la petite commère toujours au courant de tout, qui est aussi la mamie de Marion
Son mari Pierre
Le monsieur avec la moustache et les lunettes, dont je ne me souviens ni du nom, ni du prénom
Sa femme, Charlotte, je crois
Le monsieur qui fait de la pétanque et qui remonte tous les jours la rue à vélo malgré son âge
Sa femme que je ne connais pas beaucoup
Manon, 3°A, Collège Henri IV

 

Liste de choses qui m’énervent
Quand après l’école, on rentre chez nous, qu’il n’y a personne et qu’on n’a pas les clefs
Quand on rate le bus qui vient juste de passer
Quand on te réveille tôt mais tu n’as pas école
Quand on joue à la console et que la tête de quelqu’un cache l’écran
Quand on a des devoirs pendant les vacances
Quand on rentre de l’école fatigué et qu’on te demande d’aller chercher quelque chose
Quand l’ascenseur est bloqué et qu’on habite au onzième étage
Quand on vient juste d’acheter un vêtement, qu’on le met et qu’un pigeon le salit
Morad, 3°D, Collège Victor Hugo

 

Liste de portes que je traverse
La porte de la maison
La porte du garage
La porte du collège
La porte du gymnase
La porte du musée
La porte du supermarché
La porte du restaurant
La porte du stade
La porte de l’hôpital
La porte de sortie
La porte de secours
La porte de la poésie
La porte du temps
La porte de l’instant
La porte de l’enfance
La porte de rêves
Fadi, 3°A, Collège Henri IV




POETIQUE DE LA LISTE


Par David Corre

 
 
¨     Une manette vibrante de PS3

¨     Un stylo-plume ? Une Xbox

¨     Des jeux vidéo

¨     Une Nintendo DS 3D

¨     Un livre ? Une tablette

 
En cette période de Noël, alors que chacun établit sa liste de courses, la liste des cadeaux qu’il doit encore faire, la liste des cadeaux qu’il désire, les menus des réveillons du 24 et du 31 (encore des listes) et aussi la liste des convives, Sergio nous invite à considérer la liste pour elle-même, et non plus comme un outil ou comme un pense-bête recensant ce que l’on doit faire ou acheter. Poétique de la liste ?
 
***
 
Invoquant à nouveau Perec, incontournable maniaque du tri, du classement, du plaisir presque enfantin de l’énumération, Sergio, dans cette séance, nous a demandé de constituer, nous aussi, des listes.

Il est troublant de constater combien chacun s’est précipité aisément sur une des listes proposées. Chacun a été comme appelé par l’une ou l’autre liste : un lien de nécessité s’est tissé presque immédiatement entre un intitulé de liste et tous ces éléments, en nous, qui ne demandaient qu’à sortir et à se laisser coucher sur le papier. On ne le dit jamais assez, mais des listes entières sommeillent en nous, végètent, hibernent, et un rien suffit à les faire jaillir. Nous stockons des gigas et des gigas de listes en nous.

Le « vertige de la liste » nous a alors pris, sorte d’ivresse, dans la contemplation de tous ces petits univers dont nous sommes riches, de ces interminables tiroirs tapissant le fond de nos âmes. Certains en ont commencé trois ou quatre, rêvant de pouvoir les poursuivre jusqu’à l’exhaustivité ; d’autres se sont pris de passion pour la richesse d’une seule énumération, vite devenue intime, parce qu’ils ont senti que suivre cette piste les mènerait loin en eux. Surprise du dépliage de ce qui était là, dans l’ombre, et qu’on ne voyait pas. Mélodie de la mémoire qui se met en marche. Surprise de la réminiscence.

Et puis, ensuite, à la lecture, stupeur de constater que les listes des autres sont des parties des nôtres, sont des amorces de celles que l’on aurait pu écrire. Dans toute liste des autres, en effet, on trouve toujours au moins un élément commun pour établir la sienne. Subjectives ou objectives, nos listes sont les plaques révélatrices sur lesquelles tous nos souvenirs peuvent réapparaître.

Finalement, j’ai encore pu constater que ce qui nous rassemble est souvent plus important que ce qui nous sépare. Ce que contient notre frigo, notre poubelle, ceux qui habitent notre rue : tout cela est toujours avec nous, en nous, nous le portons sans même en avoir conscience. Les fenêtres par lesquelles nous aimons regarder, les choses que l’on déteste, que l’on trouve tristes, toutes les choses pour lesquelles on s’est fait gronder dévoilent nos goûts plus sûrement que ces « j’aime » ou « j’aime pas » des réseaux sociaux, en un mot, toutes ces listes nous révèlent, nous démasquent. Quand on écrit une liste, on ne réagit pas à des stimuli ou des propositions : c’est nous qui classons, qui chassons en nous, c’est nous qui traquons, qui visitons, qui nous écoutons nous-même. Ce sera la grande révélation de cette séance : une liste, subjective ou objective, est un instantané de notre monde intérieur, c’est une révélation, une petite fenêtre ouverte sur soi, et par laquelle les autres peuvent nous épier ou même entrer.
 
***
 
Dans cette séance, ce ne sont plus les images qui nous ont conduits vers nos intérieurs intimes, mais des listes sans ordre apparent, comme des petites confessions en écriture automatique. Entre les listes de Noël et les inventaires de janvier, Sergio nous a une nouvelle fois permis de pénétrer un peu plus en nous-même, afin de nous dévoiler un peu plus et de tisser entre nous tous des liens de confiance encore plus forts.

samedi 8 décembre 2012

SEANCE : LE PUNCTUM…


Lors de cette séance, nous avons travaillé à partir de photos des Natures Mortes, en essayant d’utiliser ces images comme déclencheur d’écriture. Après avoir déchiffré collectivement quelques photographies bien choisies, les élèves se lancent dans l’écriture. La consigne est d’aborder chaque photo en essayant de développer par écrit ce qui touche, attire, captive, interpelle l’œil… C'est-à-dire essayer de saisir ce qui me pique d’une photo, ce qui me blesse, ce qui me perce… Cela, cette flèche qui part de l’image et qui vient vers moi, Roland Barthes le nomme « punctum ». Dans le déluge permanent, presque obscène, d’images médiatisées, qui finit par nous rendre assez indifférents aux images du monde qui nous entoure, il me semble que ce travail de décryptage permet de développer ce que j’appelle le « regard sensible » : prendre le temps de regarder les photographies, de les penser, de les réinventer. C’est aussi un plaisir : celui de s’approprier les images pour mieux les intérioriser. Car finalement l’écriture, c’est avant tout une affaire de regard sur le monde, et ce regard est multiple…
 
 
 
Cette photo me fait penser que la beauté passe vite.





Isiane, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Ce qui m’intrigue dans cette photo, c’est la fleur de droite qui est toute seule… Elle me fait penser à la Mort solitaire…
Alexandre, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui m’interpelle, c’est qu’elles sont toutes bien regroupées dans la mort...
Maxime, 3°A, Collège Henri IV
 
Ces fleurs fanées me font penser à une femme qui est fatiguée de faire le ménage…
Priscillia, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Cet environnement n’est pas très confortable… L’air sans vie… Tout est triste…
Warda, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Je suis captivée par une fleur à gauche : on dirait qu’elle meurt avec grâce et élégance...
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 
Ce qui m’intrigue c’est la couleur rose de ces fleurs, j’ai l’impression que cette couleur n’est pas à sa place à cet endroit.
Niouma, 3°D, Collège Victor Hugo
 
En regardant cette image je pense que la vie est éphémère comme une fleur qui fane...
Fabien, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui m’interpelle c’est la position des ces fleurs fanées : on dirait que ça a été une mort désespérée...
Badara, 3°A, Collège Henri IV
 
Mon regard est attiré par l’eau du vase, on dirait qu’elle est très sale… On dirait qu’elle retient la vie des ces fleurs qui sont en train de mourir…
Elodie, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Je suis captivée par une fleur à gauche : on dirait qu’elle meurt avec grâce et élégance...
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 
Ces fleurs fanées me font penser que la vie est de très courte durée.
Naomie, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Ce qui m’interpelle, c’est la couleur des pétales : elles sont bien roses alors que les fleures sont mortes. Cela donne une espèce de « vie » à la mort…
Eloïse, 3°3, Collège Théodore Monod
 
 
 
Cette mouche dans la bouche m’intrigue… Cela me provoque la peur de ce qui va arriver un jour…
Alexandre, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui m’interpelle, c’est la proximité du photographe qui a dû approcher vraiment la mort pour prendre cette photo…
Kimberley, 3°D, Collège Victor Hugo
 
En regardant cette mouche et les larves qui vont bientôt s’occuper de la décomposition, je pense à ce qui va se passer après la mort…
Nada, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Je suis interpellée par la blancheur de dents dans une scène si sombre...
Maryne, 3°A, Collège Henri IV
 
En regardant cette photo, je pense que personne ne sera épargné… On va tous y passer...
Dieumba, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Cette mouche me gêne… Ces dents aussi… Cette bouche ouverte… La mort est quelque chose de vraiment répugnant.
Roland, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Mon œil est attiré par cette mouche qui a senti l’odeur de la mort...
Florian, 3°A, Collège Henri IV
 
Ce qui me touche, c’est qu’il sourit même après sa mort, malgré la mort.
Anissa, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Et si c’était une scène d’amour ? Un moment de tendresse où la mouche amoureuse de son âne se dispose à ne plus le quitter et à veiller sur lui... Comme si finalement l’amour était plus fort que la mort.
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 

Ces oranges abandonnés ici depuis longtemps me font penser à la solitude de l’oubli… Personne ne les a prises…
Naomie, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Le fruit interdit, parfaitement bien représenté : la lumière nous attire vers le fruit mais le moisi nous empêchera finalement de le manger.
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 
Oranges ou pommes de terre ? … La moisissure change tout…
Samia, 3°3, Collège Théodore Monod
 
L’orange de droite, marquée, pourrie, comme vérolée, garde les traces de ce qu’elle fût, a conservé la marque de son écorce, comme si elle s’accrochait à son ancien état, et résistait à l’avancée de la pourriture… Au milieu de la moisissure, elle brille comme une pépite précieuse.
M Corre, 3°A, Collège Henri IV
 
Ce qui m’interpelle, c’est la violence de cette lumière, on dirait que c’est elle qui pourrit l’orange...
Priscillia, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Je suis attiré par le reflet dans l’assiette, la pourriture qui semble devenir pain : du non comestible au comestible.
M Nowack, 3°A, Collège Henri IV
 
Ce qui me captive, c’est le coté trésor doré de cette orange car l’artiste a réussi à mêler le dégout de la pourriture avec le plaisir de l’or…
Mme Verleure, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Cette image me fait penser à la solitude et à l’abandon, comme si personne n’avait voulu venir chercher ces fruits.
Romanos, 3°A, Collège Henri IV
 
Ce qui m’impressionne de cette photo, c’est qu’on voit que la pourriture gagne du terrain… On sent que ça va bientôt venir…
Gwendal, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui me captive, c’est l’effet de la lumière sur l’orange du fond, car on dirait que c’est cette lumière qui épluche le fruit.
Maxime, 3°A, Collège Henri IV
 
Ça suffirait de gratter la croûte pour voir toute la splendeur qui se cache…
Eloïse, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Malgré ces oranges en train de pourrir, il y a un reflet de lumière comme si c’était un espoir de vie.
Sonia, 3°A, Collège Henri IV

 
 
Cette blancheur me produit une énorme tristesse… Je ne sais pas pourquoi…
Reyhan, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui me captive dans cette photo, c’est l’absence totale de couleur… L’absence totale de vie... Il y a un énorme vide…
Manon, 3°A, Collège Henri IV
 
Je suis attirée par le vide de ce lieu : c’est pour moi l’avant quelque chose ou l’après quelque chose…
Selin, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Cette nappe d’une blancheur éclatante, on dirait que c’est un fantôme qui se balade au milieu du noir.
Eloïse, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Les coins de nappe semblent fatigués : absence de vie, de joie… Les bras ballants.
M Nowack, 3°A, Collège Henri IV
 
Blanc et noir… Coté clair et coté sombre… Lumière et obscurité… Le paradis et l’enfer…
Roland, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Cette photo me fait penser à l’union du blanc et du noir : lutte contre le racisme…
Badara, 3°A, Collège Henri IV
 
Je pense au lendemain de quelque chose qui s’est déjà terminé… Terminé pour toujours.
Anis, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Ce qui m’interpelle, c’est le mariage du corbeau et de la colombe...
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 
On pourrait dire une colombe blanche au milieu d’un monde de tristesse et de mort…
Fabien, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Cette photo me fait penser à l’union du blanc et du noir : lutte contre le racisme…
Badara, 3°A, Collège Henri IV
 
Tout se joue entre la lumière et l’ombre… Comme dans la vie…
Maryam, 3°D, Collège Victor Hugo
 
La blancheur au centre d’un monde de haine et des ténèbres…
Benoît, 3°3, Collège Théodore Monod
 

Ces kleenex autour du cadavre donnent l’impression d’un déchet…
Alban, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui m’interpelle dans cette photo, c’est que l’oiseau, il est tellement mort, qu’il se confond même avec les feuilles…
Kévin, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Feuille mortes sur oiseau mort… Tristesse sur tristesse…
Samia, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Je suis écœurée par la proximité de ces mouchoirs souillés et de ce cadavre…
Claire, 3°A, Collège Henri IV
 
En regardant ce pigeon mort, je pense qu’intelligents ou bêtes, un jour ou l’autre, on sera tous morts…
Isiane, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Je pense que ces mouchoirs blancs, c’est ce qui reste des funérailles de l’oiseau mort…
Doussou, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Il y a cinq mots qui me viennent à l’esprit en regardant cette image : vie, seul, désespoir, mort, poubelle…
Badara, 3°A, Collège Henri IV
 
Etre délaissé au bord d’un trottoir m’inspire du dégout…
Fabien, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui m’interpelle dans cette photo, c’est que l’oiseau, il est tellement mort, qu’il se confond même avec les feuilles…
Kévin, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Je suis captivée par toutes ces feuilles mortes car malgré le cadavre, l’automne passe, le temps se coule et le passé a déjà disparu… Tout cela me fait penser que l’hiver viendra et tout cela sera couvert de neige.
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 
Les feuilles furent son cimetière…
Selin, 3°D, Collège Victor Hugo
 
 
Malgré la couleur bleu du Paradis, la couleur rouge est là : rouge sang, rouge enfer, rouge colère...
Karine, 3°A, Collège Henri IV
 
– Sergio, cette image me fait penser à quelque chose… Je ne sais pas si je peux l’écrire…
– Elle te fait penser à quoi ?
– Je ne sais pas… Elle me fait penser à la drogue… A la seringue de quelqu’un qui se drogue… A l’héroïne… A la mort…
– C’est très bien… Écris-le…
– Je peux ?
– Et pourquoi tu ne pourrais pas ?
Dialogue avec Reyhan, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Face à cette image, je pense à une personne qui vient de faire une overdose et qui est en train de partir au paradis...
Maryne, 3°A, Collège Henri IV
 
On pourrait croire que les objets flottent dans un ciel bleu… Qu’on navigue dans un océan…
Eloïse, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Un bad trip, dernière vue avant la mort...
M Nowack, 3°A, Collège Henri IV
 
Je suis captivé par la luminosité intense de cette image… Elle m’emporte. Elle provoque en moi un doute entre la vie et la mort
Naomie, 3°D, Collège Victor Hugo
 
C’est comme si on avait jeté ces objet en l’air et puis qu’on avait bloqué le temps, juste le temps de les contempler…
Roland, 3°3, Collège Théodore Monod
 
Ce qui me fascine, c’est de voir une lumière si vive posée sur des objets sans vie...
Kimberley, 3°D, Collège Victor Hugo
 
Je pense à une scène de résurrection : soudain, le couloir de la mort nous ramène à la vie...
Maghnia, 3°A, Collège Henri IV
 

Tous ces cadavres, semblables et sans rien pour les différencier, me font penser que la mort sera pareille pour nous tous…
Selin, 3°D, Collège Victor Hugo

Toutes ces vaches alignées me font penser à une boucherie… Il s’est passé quelque chose.
Roland, 3°3, Collège Théodore Monod

Je suis attirée par cette étiquette qui est la seule chose humaine de cette photo.
Karine, 3°A, Collège Henri IV

Ce qui m’étonne, c’est la chorégraphie de ces carcasses : elles sont toutes synchronisées, un vrai ballet !
Mme Verleure, 3°D, Collège Victor Hugo

Cette image me fait penser à un génocide, car plusieurs animaux de la même race ont été tués... Je pense à une extermination d’humains…
Fadi, 3°A, Collège Henri IV

Le nombre et l’alignement me font penser à un spectacle de french cancan…
Sandra, 3°3, Collège Théodore Monod

Après la mort, nous serons tous pareils…
Mariane, 3°D, Collège Victor Hugo

On pense à la mort qui n’en finit plus.
Sonia, 3°A, Collège Henri IV

En regardant cette image, une seule idée me vient à l’esprit : oh ! la vache !!!!
Alexi, 3°3, Collège Théodore Monod

Au milieu de cet abattoir et en regardant toutes ces côtes, je pense à Eve qui est née d’une côte d’Adam.
Naomie, 3°D, Collège Victor Hugo

Tous ces cadavres d’un même animal, alignés et multipliés, ça fait penser à un camp d’extermination.
Matthieu, 3°A, Collège Henri IV

Tous ces cadavres pareils les uns aux autres me font penser à un génocide…
Benoît, 3°3, Collège Théodore Monod

Moi, j’aime cette photo. Elle m’attire car elle me donne envie d’y aller et de toucher, de toucher, de toucher...
Badara, 3°A, Collège Henri IV



Ce qui m’attire dans cette photo, c’est le trou dans le crâne du centre : il a été assassiné ou suicidé ?
Maryne, 3°A, Collège Henri IV

Ce qui m’interpelle, ce sont les cavités à l’intérieur des orbites des têtes, j’ai l’impression qu’ils nous observent encore.
Mme Verleure, 3°D, Collège Victor Hugo

Sur le crâne de gauche, j’ai l’impression de voir une larme qui coule de l’œil droit… Et cette larme imaginaire me fait penser à une mort atroce, comme s’il avait beaucoup souffert avant de s’en aller…
Alban, 3°3, Collège Théodore Monod

Devant cette image, je pense à quel point l’homme peut être mangé par le temps…
Badara, 3°A, Collège Henri IV

Ce qui attire mon œil, c’est l’humidité sur le mur derrière qui évoque pour moi des larmes qui coulent pour ces trois morts qui ne sont plus là.
Warda, 3°3, Collège Théodore Monod

En regardant ces trois crânes, je pense que sans notre peau, finalement, nous sommes tous pareils…
Imane, 3°D, Collège Victor Hugo

– Monsieur, moi aussi je vais être comme ça quand je serai mort ?
– Oui, comme tout le monde…
– Comme ça, carrément comme ça ?
– Oui… On a tous un crâne…
– Ah, d’accord… Donc mon avenir c’est ça ?
– D’une certaine manière…
Dialogue avec Roland, 3°3, Collège Théodore Monod

Ce qui me captive, c’est les creux de leurs yeux : ils n’ont plus aucun regard, plus aucun sentiment… Tout est fini…
Charline, 3°A, Collège Henri IV

Ces trois crânes me font penser au temps qui passe sans interruption : un jour on est vivant, l’autre jour on est un cadavre, un autre jour un tas d’os et puis enfin nous redevenons poussière.
Kevin, 3°D, Collège Victor Hugo



L’UN ET LE MULTIPLE

Par David Corre

 

Sergio a choisi une dizaine de photos dignes de nous captiver, et nous a demandé de trouver, dans chacune d’elles, le détail qui nous appelle, nous interpelle : le punctum, le point de convergence de notre attention.
 
Huit photographies. Des verres. Un dé et des points.
 
Plusieurs fleurs pourrissant dans une même eau sale. Une nappe trop blanche cernée de places vides. Un pigeon et son œil couverts de feuilles mortes. File obscène de bœufs, écorchés, éventrés, les côtes exposées, et leurs moignons sanglants.

***
 
Une image. Une photographie. Dans ma salle devenue obscure, un œil unique, lumineux, parfaitement rond, projette sur mon tableau blanc, vide de tout savoir, une image du monde, une image fixe, figée – pour l’éternité ? Mes yeux fixent cette image.
 
Les leurs aussi. Nous regardons la même image, mais ne voyons pas la même chose, comme souvent – c’est notre humanité qui veut ça, je crois. Sur le mur de ma salle – celle que, depuis trois ans, j’appelle affectueusement ma « caverne » –, nous sommes tous assis, à fixer un mur presque vide – sauf que le monde s’y reflète, à coup d’ombres et de lumières.
 
Nous regardons cette photographie, cette image du monde, mais nous ne regardons pas le monde – tout juste un reflet, à peine un instant ! Et nous ne voyons pas le même reflet (Sergio nous l’a montré, si besoin était). Invoquant Barthes et son punctum – arme théorique ô combien pénétrante que ce poinçon, ce dard, cette flèche qui nous pénètre et s’immisce en nous, en nous se fraie un chemin ! (Où l’on retrouve l’idée du chemin qui, lentement, fugitivement, se trace, de nos yeux à notre cœur puis à notre bouche, dans le fracas des mots du dehors, des mots de tout le monde, et qui bientôt nous submergeront à nouveau…)
 
Et dans le fatras de tous nos chemins solitaires, intimement tracés, en intérieurs secrets, dans l’entremêlement de nos regards, la parole invoquée par Sergio vient unifier notre vision, notre perception, et multiplier les détails que nous ne voyions pas auparavant. Et l’image unique que nous pensions voir, par la multiplication de nos regards et de nos significations, s’enrichit, s’accroît, se démultiplie. Nos sensibilités s’unissent pour tenter de percer en retour le mystère de cette image qui nous défie, imperturbable. Image désormais criblée par nos punctums. Retour à l’envoyeur. Après tout, c’est elle qui avait commencé.

***

J’avais écrit, un jour, que ce n’est pas Dieu qui est infini, mais les chemins qui y mènent. Je crois aujourd’hui que le monde n’est pas fini, car infinis sont les regards qui le contemplent, et tentent d’en percer le mystère.