Pour cette troisième séance de travail, c’est au
Musée du Louvre que nous nous retrouvons. Nous venons suivre une conférence
d’une heure et demie sur le thème de la Nature Morte. Guidés par la
conférencière, nous sommes confrontés aux plus belles Natures Mortes que recèle
le Louvre. Les découvrir, les admirer, les contempler…
Très souvent, on me demande pourquoi j’amène les jeunes
participants de mes ateliers d’écriture visiter des musées. Et je réponds
toujours en citant Gérard Wajcman qui écrit dans L’œil absolu : « Ordinateur, appareil photo, téléphone
portable, caméscope, etc., notre regard est entre nos mains, hors de nous. Les objets
de la technologie nous ont arraché les yeux. Ils ont mis nos yeux dehors. Nos
paupières se ferment sur des trous. Nous ne voyons plus rien. La puissance de
la science nous a dépossédés de notre puissance de regard. Vous pouvez dormir,
la science et la technique voient pour vous. A l’âge hypermoderne, nous sommes
regardés, on est vu, on voit pour nous. Autant dire que l’art du regard se
perd. On ne sait plus voir. On n’y voit rien. On a les yeux fermés. Mais on
peut aussi vouloir les ouvrir. Ce qu’on y gagne ? Un peu d’intelligence,
et, par là, la possibilité de nous orienter un peu mieux dans ce monde,
c'est-à-dire d’être un peu moins les jouets de ce monde. Ce qu’on y gagne,
finalement, c’est un peu de liberté. »
Lors de cette visite, le moment le plus fort pour
moi est la rencontre avec les élèves sous l’énorme Pyramide crée par
l’architecte Pei. Je leur donne toujours rendez-vous à cet endroit et ce choix
n’est pas anodin : c’est pour pouvoir leur montrer cet espace immense et les
laisser quelques minutes s’extasier devant cet extraordinaire chef-d’œuvre
d’architecture. Pendant que je les observe, les yeux levés vers l’énorme
pyramide en verre, je ne peux m’empêcher de leur expliquer que l’idée d’accéder
à un musée par une pyramide – imposant tombeau pharaonique – est assez
symbolique : un peu comme si on accédait à une vie d’outre-tombe, à un
au-delà qui défie les lois du temps. Dans cet espace, toutes ces œuvres d’art
qui sont là ont pu résister au passage du temps, et finalement à la mort… « C’est
pour cela que j’aime venir avec vous visiter des musées, vous comprenez ? C’est
une manière de vous montrer que toute œuvre d’art est un acte de
résistance. »
LES PROFS SE METTENT A ECRIRE…
Cette fois-ci, c’est aux profs de se mettre à
écrire : à la sortie de la visite, je leur demande de m’apporter un texte qui
parle de leur premier souvenir du Louvre… A cette demande, je les vois tous les
quatre devenir à leur tour des adolescents : ils commencent par me poser plein
de questions trahissant une certaine anxiété… Tout les quatre sont un peu
déboussolés. Ils font exactement le même geste : ils ouvrent grand les
yeux en me disant : « Dis-donc, il va falloir que j’aille chercher
loin alors… » Et c’est précisément cela que je veux : qu’ils voyagent
jusqu’à à leur « première fois », car ce voyage en arrière fait
aussi partie de l’écriture…
MA PREMIERE RENCONTRE AVEC LE LOUVRE
Par Julie Verleure
Emerveillée, perdue, enivrée, affolée… Et je pourrais en faire une liste beaucoup plus longue ! Cette première rencontre me faisait tanguer entre la joie face au merveilleux et la peur de cet endroit si grand.
Mon professeur nous parlait de cet endroit depuis
si longtemps, enfin je pouvais mettre une image sur ce lieu. Je ne me souviens
plus de ce que l’on devait voir en particulier mais j’ai su quand je suis
rentrée à l’intérieur qu’il faudrait que je revienne.
Je me suis laissé entraîner dans ce tourbillon
d’escaliers, de couloirs qui menaient vers d’autres merveilles. Je n’ai pas su
me repérer, je ne sais toujours pas me repérer et je ne veux absolument pas
savoir me repérer dans cet endroit, je crois que ça lui ôterait une part de
mystère !
Cette première rencontre avec ce temple de la
culture n’est plus qu’un souvenir flou dans ma mémoire mais l’impression
qu’elle m’a faite est restée bien ancrée.
PALAIS
J’ai eu beau me triturer l’esprit, tordre ma mémoire, je ne suis pas parvenu à me rappeler ma première visite au Louvre. Le premier souvenir que j’en ai gardé se situe pendant ma 6ème, autour de mes 10 ans. Il est hautement probable que je m’y fusse rendu avant, mais je n’en ai conservé aucun souvenir. Et sans interroger mes parents, je n’en saurai pas plus.
Mon premier souvenir du Louvre reste très
particulier, et est lié à l’ami avec lequel je m’y étais rendu. Xavier avait
été mon grand copain de primaire, mais nous n’étions pas dans le même collège,
par quelque subtilité incompréhensible de la carte scolaire. Ce mercredi
après-midi là, ses parents avaient décidé de nous réunir pour nous emmener
visiter le plus célèbre musée de France. Grande idée de leur part ! Nous,
nous aurions sans doute préféré être abandonnés au pied de l’immeuble pour y
jouer, ou tout à fait oubliés dans la chambre jusqu’au soir avec nos figurines
Star Wars. Au lieu de cela, on nous emmena, avec nos jeunes têtes truffées de
jeu et de manque, dans les couloirs silencieux d’un musée !
Pour être tout à fait honnête, je ne me souviens
pas très bien de ce que j’y ai vu ; je me souviens assez nettement des
lieux, mais je crains de ne pas avoir été très réceptif aux œuvres qui ont dû
défiler devant mes yeux. C’est bien simple, je n’ai aucune image en mémoire des
œuvres rencontrées. La Joconde ? La Victoire de Samothrace ?
Monumentaux tableaux de David ou Ingres ? Peut-être les lions ailés
mésopotamiens qui m’émeuvent aujourd’hui tant, et qui ont fasciné mon petit garçon ?
Nulle idée. Nulle image.
En revanche, une chose est sûre : je n’y suis
pas entré par la pyramide de verre. Je me rappelle bien les couloirs hauts, ces
colonnes de pierre, le sol et son dallage… De la pierre et du marbre… J’ai beau
fouillé ma mémoire, je ne me souviens pas de notre entrée : je nous y vois,
curieusement, en plongée, du haut d’escaliers, Xavier et moi, comme par les
yeux de sa mère, ou d’un gardien réprobateur. Réprobateur, oui, sans doute, car
Xavier et moi n’étions pas des visiteurs modèles ; excités comme nous
l’étions, de nos retrouvailles et de notre jeunesse, nous étions tour à tour
des chevaliers, des policiers, des espions, selon le décor et l’inspiration. De
l’inspiration, ça oui, sûrement ! Les œuvres nous ont sans doute inspiré
bien des jeux, bien des personnages. Mais je sais qu’à l’époque, plus que ces
portraits majestueux ou ces scènes de bataille, ce sont les lieux et leur majesté
qui nous ont le plus frappés. La majesté des lieux, le poids de toute cette
histoire. Nous étions au Louvre, et pas tant dans un musée. L’ancien palais des
rois l’emporta, ce jour-là, sur le musée de la république.
Et aujourd’hui encore, ce sentiment ne m’a pas
réellement quitté : chaque fois que j’y retourne, avant d’entrer dans la
pyramide de verre, les bâtiments du Louvre, les colonnades, et le carrousel,
là-bas, au bout de l’esplanade, et la silhouette des tours de La Défense,
familier terrain de jeu de ma jeunesse, tout cet entourage monumental me
retient toujours un peu, avant la plongée vers les œuvres. Si aujourd’hui, ce
sont les peintures et les sculptures qui m’attirent et me fascinent réellement,
je n’ai toujours pas réussi à me départir totalement des lieux. Le monument est
toujours là, je n’en suis toujours pas blasé.
Pour moi, le Louvre demeure un incomparable écrin –
écrin de pierre et de marbre où se logent tant de bijoux, écrin d’histoire
enfermant d’innombrables perles. Les couloirs ne sont pas que des galeries où
s’exposent les chefs-d’œuvre de l’humanité, ils sont les couloirs où des
générations d’hommes ont vécu, et se sont déplacé. Chaque fenêtre
m’arrête ; qui s’y est penché ? Qu’y a-t-il vu ou cherché ?
À chaque visite, ainsi, je suis partagé entre les
œuvres exposées, et les murs du musée. Inutile de préciser que je ne ressens
pas du tout les mêmes choses dans les nouvelles galeries, ou dans les couloirs
modernes. Ni sous la pyramide, bien entendu : pas plus fascinante pour moi
qu’un hall d’aéroport ou de cinéma. On y est excité, certes, par l’attente de
ce que l’on va trouver après, mais pas par ce que l’on a sous les yeux. Le
moindre petit couloir obscur, là-haut, en revanche…
À chaque visite, de même, je ne peux m’empêcher de
sonder du regard les groupes de touristes, si nombreux, si voyants, si
exotiques parfois, qui semblent, eux aussi, comme moi, fascinés tout autant par
les lieux que par les œuvres, par le coffret que par les bijoux qu’il contient.
Et dire qu’à cet endroit, au milieu des œuvres d’art, l’humanité se croise. Le
Louvre est un de ces rares grands carrefours de l’humanité mondialisée :
groupes d’anonymes Chinois, humbles et un peu perdus, Américains en shorts, le
nez en l’air, l’air conquérant, Pakistanaises ou Saoudiennes avec leurs
foulards chamarrés. Ils sont des petits bouts du monde qui se détachent et
viennent à moi. Eux non plus, j’en suis sûr, ils ne viennent pas contempler que
des œuvres d’art ; c’est un pan de l’histoire de France qu’ils viennent
visiter. Pour eux aussi, j’en suis persuadé, le Louvre n’est pas qu’un musée,
il est toujours un palais.
LE NEZ DU SPHINX
Comment ?, le nez du Sphinx a été casé !
Sacré Obélix, lui si fort, n’a pu s’empêcher
d’admirer la vue de ce si grand pays, l’Égypte.
Dis-moi mamie, pourquoi les Égyptiens marchent ils
de travers avec un bras devant et l’autre derrière ?...
Pourquoi les Égyptiens sont-ils à moitié homme, à
moitié animaux ?...
Pourquoi dorment-ils dans des lits en forme de
boite avec leur visage peint dessus ?...
Tu sais mon grand, un jour tu iras certainement en
Égypte, mais avant je vais t’accompagner dans un endroit magique qui répondra à
certaines de tes questions. Nous allons au Louvre, le plus grand musée de France.
Je devais avoir neuf ou dis ans et ce fut la
première fois que je découvrais le Louvre et en particulier les salles où était
exposée une partie de la civilisation Égyptienne.
Je n’ai, je
crois, posé aucune question, seulement admiré avec un peu d’inquiétude toutes
ces sculptures, ces momies, ces bijoux, ces écrits ou plutôt ces dessins.
En repartant, les yeux et la tête remplis de rêves
et d’imagination, la seule question restée sans réponse : est-ce qu’Obélix
a reconstruit le nez du Sphinx ?
LABYRINTHE DE LA MEMOIRE
Raconter ma première rencontre avec le Louvre...
Voilà une bien étrange idée Sergio ! Une idée
qui a fait rejaillir bien malgré moi des souvenirs lointains, enfouis dans un
coin de ma mémoire... D'abord, le trou noir... Rien... L'angoisse du vide, de
l'oubli... C'est étonnant tout de même... Comment ai-je pu oublier une
rencontre que je ne peux m'empêcher de considérer comme un des moments
fondateurs de l'adulte que je suis ? Comment ai-je pu oublier que je dois
au Louvre mes plus beaux choix d'étudiante ?
Et puis d'un coup, sans crier garde, les souvenirs
ont refait surface...
Ma première visite au Louvre a eu lieu lors d'un
voyage scolaire alors que j'avais 18 ans et que j'étudiais au lycée Masséna de
Nice... Une semaine entière à Paris ! Alors, forcément le Louvre est un
peu comme une évidence, un passage obligé...
Je me souviens maintenant avec précision d'avoir
marché dans ce dédale de couloirs jusqu'à l'épuisement... C'est un plaisir
surprenant et unique de se perdre, d'errer dans le Louvre comme dans une ville
mystérieuse et inconnue. Le Louvre : une « Ville
tentaculaire »... Je me suis sentie happée par les lieux et par toutes ces
images, perdant toute notion de temps et d'espace... C'est d'ailleurs une
sensation que j'ai grand plaisir à ressentir à chaque fois que je visite un
musée que je ne connais pas.
Je me souviens surtout du choc que j'ai éprouvé en
voyant « pour de vrai » ces œuvres que je connaissais par cœur pour
les avoir vu de nombreuses fois dans les manuels scolaires ou les livres
d'art... En visitant le Louvre, j'ai découvert que l'art doit être parfois un
contact intime entre l'œil et la toile... C'est une révélation, presque une
extase mystique que de s'émouvoir devant la brillance de certaines couleurs,
une texture, l'immensité des dimensions de certaines œuvres, la perfection du
geste de l'artisan, la finesse de la pensée de l'artiste !
Découvrir le Louvre, ce n'est pas un plaisir
intellectuel comme lors que l'on feuillète un livre d'art... C'est une
sensation délicieusement viscérale.
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