C’est au Musée du Centre Georges Pompidou que j’ai
choisi d’aborder le thème du corps avec les élèves. De prime abord, chacun
s’extasie devant cette architecture étrange et déconcertante. Les élèves sont
éblouis par cette sorte de capsule spatiale atterrie au beau milieu de Paris…
Nous ne sommes plus dans le riche Palais du Louvre, ni dans les somptueux salons
du Musé d’Orsay. Par ces portes de verre, nous entrons de plein fouet dans
l’espace troublant et bouleversant des XXe et XXIe siècles…
Aborder le Centre Pompidou n’est pas simple. En
premier lieu, la thématique que va traiter notre conférencier nous concerne
directement : le corps… Mais les corps que nous allons voir sont des corps
traversés par un siècle violent, souvent monstrueux : le siècle de
l’industrialisation de la mort, celui de l’apparition de l’inconscient, des
guerres nucléaires, le siècle des pandémies à l’échelle planétaire ; un
siècle qui s’est ouvert avec l’espoir de rendre l’humanité heureuse et qui nous
a laissé en héritage Hiroshima et Auschwitz…
En outre, pour un regard vierge et neuf, l’art des
XXe et XXIe siècles peut être un peu déroutant… Dans le regard de ces jeunes contemplant
des œuvres de l’art contemporain, je vois de la perplexité, un certain
flottement. Dès le début de la visite, il me faut désamorcer l’éternelle question
« Cette tache est-elle de l’art ? »… Ce jour-là, ma réponse aura
été : « Oui, Nassim, une tache peut être de l’art car au XXe siècle,
l’homme est devenu lui-même une tache dans l’histoire ».
A l’issue de la visite, en tentant de la comparer
aux visites du Louvre ou du Musée d’Orsay, les élèves me disent : « Sergio,
dans ce musée, quelque chose a changé ». Cette remarque ne témoigne-elle
pas que l’objectif que je m’étais fixé est en partie atteint ? En effet
dans l’homme du XXe siècle quelque chose a changé pour toujours. Et non
seulement dans l’homme mais aussi dans la manière donc désormais il tente de se
représente à lui-même…
BEAUBOURG
Par David Corre
Semaine suivante : voyage à Beaubourg. C'est
notre troisième sortie au musée, et pourtant, c'est la plus surprenante. Les
élèves se sont montrés beaucoup plus agités. Eux, si respectueux, si silencieux
dans le vieux palais du Louvre, si sages, bouche bée à Orsay, nous les avons
découverts puérils, parfois fermés dans les couloirs du Musée Pompidou. C’est
vrai qu’il y a un côté couloir d’usine ou d’aéroport dans ce drôle de musée.
Certaines œuvres en sont à peine : « C’est une œuvre,
ça ? », demande l’un devant Soulages. « Il a pas fini son
grillage ! », remarque un autre, devant une sculpture trônant au beau
milieu d’un couloir. Il s’en étend, des corps nus et désarticulés. On en a
collé, du carrelage, de la moquette… Les yeux se perdent devant des toiles dont
on ne peut jurer qu’elles sont accrochées dans le bon sens...
Finalement, ne les grondons pas, les élèves ont
bien compris : ils ont réagi. Sûrement les œuvres rencontrées, si elles
pouvaient parler, ne nous réclameraient pas le même silence religieux, le même
respect admiratif que leurs sœurs du Louvre ou d’Orsay. Le conférencier, plus
philosophe que guide, ne les a pas épargnés, d’ailleurs, avec ses
considérations sur l’art contemporain, sur la réception de l’œuvre, avec ses
interrogations sur ce qu’est l’art. Il les a emmenés loin, avec ses
chuchotements, et ils ont apprécié sa ferveur retenue. Certains ont même décidé
d’inclure une œuvre découverte là dans leur liste d’Histoire des Arts !
Finalement, je me dis que la mélancolie ne sert à
rien : à la croisée des chemins, tout est possible – sauf les regrets.
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